Ils meurent tous. Tout autour de moi. Ils tombent, les uns après les autres. Et je suis là, au milieu d'eux. Hypocrite. Car je ne peux mourir.

Je les raille. Misérables mortels. Je ne suis ici que pour me moquer d'eux, de leur fragilité. Si frêles, si stupidement frêles !

Je serai toujours là. Il le faudra. Car je suis la Fin des Temps. Je suis Kronos, un Cavalier de l'Apocalypse. J'amènerai la fin du monde. Il ne peut en rester qu'un. Je compte bien être celui-là.

Tout est sanglant autour de moi. Des estomacs béants, des cervelles répandues, des membres arrachés, des corps déchiquetés, tout cela recouvert d'un voile rouge.

Ce que j'aime tuer... cela apporte un tel pouvoir ! Regarder, examiner, fixer, scruter les yeux affolés, les pupilles dilatées de celui qui meurt, agonise, s'éteint, suffoque, périt, se vide, rend l'âme, le dernier soupir, succombe, trépasse, expire, crève sous ma main. Observer un voile de regrets passer sur ses yeux, avant que toute lueur n'y disparaisse. Jamais il ne se rachètera. Pour lui, tout est fini.

Mais cette guerre... Cette 'deuxième Guerre Mondiale', comme ils l'appellent déjà, n'est qu'une mascarade : on tue de loin.

On n'apprécie plus, on ne sait plus apprécier cette lueur qui s'obscurcit, cette vie qui s 'éteint. Quelle déception. Moi qui n'avais pas combattu depuis plus d'un demi-siècle.

Le progrès ne me plait définitivement guère. La dernière guerre que j'ai orchestré, en Amérique du Sud, avait été superbe d'archaïsme et de barbarie. Mais toutes leurs armes modernes... elles empêchent le corps-à-corps. Beaucoup ne prennent même pas conscience qu'ils meurent. Tout va trop vite.

Une guerre mondiale, ça ? De quoi faire frémir tout être raisonnable ? Une chose atroce, horrible, abominable ?

De pauvres hommes s'entretuant à distance, voilà tout. Toute la triste vérité.

Il faut retourner au 'bon vieux temps'. Réinstaurer les bonnes vieilles habitudes : tuer au coutelas, à l'épée, à la hache, même - surtout - à mains nues. Il faut bouleverser l'ordre des choses, retrouver le chaos initial. Et qui serait plus apte à accomplir cette tâche que les quatre Cavaliers de l'Apocalypse ?

Il me faut, une fois encore, rassembler mes frères. Nous avons de grandes choses à faire.

Grandes, et terrifiantes.

the end